« La Maternelle de Léon Frapié », prix Goncourt 1904 dont je viens de terminer la lecture ,
Lundi 28 octobre 2024Une description critique acerbe des débuts de l’enseignement public dans une école maternelle de la périphérie de Paris à l’aube du 20ème siècle, quartier de Ménilmontant…
L’école maternelle, au début du 20ème siècle commence à remplacer dans les grandes villes les asiles accueillant dans un esprit paternaliste les enfants des ouvrières travaillant en usine. Elle devient après la commune de Paris un des étendards de la démocratisation de l’éducation publique avec un enseignement délivré par des demoiselles tout droit sorties des écoles normales naissantes, « figées de certitudes dans leurs blouses noires ». Elles sont un révélateur de ce que souhaite la société bien-pensante de l’époque dans le domaine de l’éducation nationale avec une interprétation très cloisonnée des trois mots liberté, égalité, fraternité affichés au fronton de nos mairies. Sont enseignés aux enfants « mal ficelés et trop mal nés » la discipline de la soumission plus que des valeurs morales porteuses de sens qui permettraient un jugement critique sur ce qu’ils vivent pour pouvoir tenter de changer ou de s’en libérer plutôt que de se soumettre et de subir à tout prix.
Dans ses descriptions sans complaisance, mais qui vont par leur réalité glaçante bien au-delà des mots, l’auteur nous décrit ces enfants mal aimés et peu souvent désirés dans des situations qui les cantonnent dès leur naissance ou leur petite enfance à la misère sociale et morale pour tout bagage , avec pour modèle à respecter à coup de leçons de morale complètement hors sol, des parents qui pourtant loin de l’amour parental décrit leurs leçons répétées en chœur leur font subir toutes sortes de brutalités, morales et physiques dans un quotidien aussi violent que pauvre et souvent sordide, auquel très peu échapperont. Morale de surface sans beaucoup de sens si ce n’est dans le but d’assurer la paix sociale ?
Ce livre m’a ému car il réveille en moi les histoires « vraies » de ma grand-mère née au pied de la butte Montmartre et pour laquelle ces récits étaient bien des parcelles de vécu, elle, à l’écriture pointue penchée avec “pleins et déliés”et sans fautes d’orthographe, qui , ainée de quatre et sans maman décédée trop tôt, « s’est placée » dans une grande famille lainière du Nord qu’elle a rejoint avec ses patrons au début de la guerre de 14/18 pour y vivre jusqu’à sa mort.. . Mais c’est une autre histoire liée à la grande histoire.
Par ce post je souhaite lui rendre hommage mais surtout rappeler à celles et ceux qui se plaignent aujourd’hui « de nos écoles petites et grandes » ici à Évry comme ailleurs, en leur rappelant, que même s’il reste des progrès à réaliser (OPA… on peut toujours améliorer) et des réformes à entreprendre, nous vivons aujourd’hui en région parisienne dans un monde protecteur qui offre à tous nos enfants, dès l’âge de deux ans, de tous milieux et de toutes origines, des débuts propices pour une égalité des chances . N’oublions pas que cela reste une réalité grâce à une politique locale portée par des élus attentifs alliée à des orientations et des moyens de l’ Éducation Nationale et avec des enseignants et des équipes éducatives de qualité accompagnés par des services publics attentifs et des parents aimants et protecteurs… Certes il y aura toujours des victimes souvent cachées, parfois des failles dans des dispositifs que l’on pense bien rodés, des silences coupables et si le « diable » peut se cacher dans les détails nous devons rester vigilants. Mais que de chemins parcourus en un peu plus d’un siècle !
Je vous souhaite une belle journée.