define('WP_CRON_LOCK_TIMEOUT', 300); Le blog de Myriam Heilbronn » 2013» février

Archive pour février 2013

Le 19 ème Maghreb des livres dans les Salons de l’Hôtel de Ville de Paris

Mardi 19 février 2013

Un cadre majestueux pour cette manifestation organisée par l’Association «  Coup de soleil »  qui a accueilli cette année près de deux cents auteurs maghrébins et français les 17 et 18 février avec l’Algérie à l’honneur  pour les cinquante ans de son indépendance.

Ce fut pour moi une balade dominicale riche en rencontres et échanges avec des auteurs prêts à partager leur parcours de patience et de recherche assidue, nous offrant au bout de leur chemin d’écriture des regards à la fois diversifiés mais très souvent convergents sur une page de notre histoire commune avec l’Algérie qu’on ne peut plus occulter.

Cinquante ans après c’est ceux qui précèdent juste ma génération mais aussi celle de mes enfants, qui reprennent cette histoire masquée et qui relient les fils emmêlés ou renouent les maillons manquants de cette page de notre histoire du vingtième siècle. Il est grand temps de faire cet effort de mémoire.

Et ils ont réveillé en moi des images furtives de lieux à peine nommés dans l’Algérie indépendante, des faits à peine cités, des histoires effleurées dans des livres de chez Maspero ou édités à compte d’auteurs il y a de cela trente ou quarante ans, des récits enrayés jadis par l’émotion d’amis engagés à l’époque dans les réseaux de soutien aux Algériens en “France métropolitaine”, et aussi des « appelés d’Algérie » ou certains  pieds-noirs qui refusaient de se souvenir, ou ne  narraient que le bon ou plutôt l’acceptable ou « l’excusable » pour « l’entendement ». Aujourd’hui, les masques tombent avec le temps, les langues se délient loin d’affrontements qui n’ont plus cours.

C’est moi, c’est vous peut être qui en lisant ces quelques lignes auront envie de dire enfin, de partager, de témoigner, de creuser dans vos parcours de vie ou de famille qui retisseront aussi cette toile d’humanité dont nous avons besoin pour avancer et aider au soutien de ces peuples en lutte pour la liberté d’Etre, que ce soit au Tibet, en Palestine, au Sahara Occidental, dans tous ces pays aux combats en devenir, car si nous ne sommes pas au clair avec notre histoire nous ne pouvons pas aider les autres ni même les comprendre.

Il nous faut enfin faire le ménage dans nos têtes non pour tourner une page, mais pour l’inscrire dans l’Histoire pleinement, pour se débarrasser enfin du trop plein d’émotion qui encombre, dans le creuset de toutes nos vérités mêlées. Alors si quelques souvenirs vous reviennent, si vous retrouvez des notes d’un proche dans le tiroir d’un bureau, une photo dans les cartons d’un grenier, bien sûr dans le respect de chacun, faites comme tous ceux et celles que j’ai rencontrés ce dimanche, témoignez, écrivez, publiez, car il est grand temps de dire le Vrai en nous épargnant la haine et les rancœurs du passé.

J’ai aimé ce dimanche là dans un calme respectueux de ce lieu à la fois grandiose et accueillant que Delanoë sait si bien faire vivre. J’ai savouré autant que l’assiette orientale du buffet, ce temps de respect et de partage réciproque dans une atmosphère à la fois douce et ouverte au milieu de tant d’ouvrages à feuilleter sans interdits ni remarques.

J’ai écouté et observé avec intérêt ce regard appuyé, le temps d’une table ronde la présentation faite sur le parcours de deux hommes de bonne volonté, dits libéraux ! à l’époque, qu’on dirait engagés aujourd’hui. Chacun à sa place, l’un, sous les feux des projecteurs de sa vie publique Jacques Chevallier, ce pied-noir tour à tour Député d’Algérie et Maire d’Alger, « l’homme qui voulait empêcher la guerre d’Algérie » et l’autre, Pierre Thiery, ce « métropolitain » nommé en Algérie, avec l’autorité tranquille de sa fonction de Responsable d’une Société minière, notamment près de Constantine, qui ne se sont pas trompés de combat. Et en visionnaires éclairés, à l’avant-garde de leurs concitoyens, ils ont partagé des secrets, accepté et parfois anticipé la marche de l’histoire en agissant là où ils étaient pour faire avancer la cause de l’indépendance de l’Algérie. Respectueux de ce pays qu’ils aimaient mais surtout de ses habitants « colonisés d’alors » ils ont mis toute leur énergie, impliquant parfois aussi leurs proches, pour porter par moments au plus haut sommet de l’Etat cette cause juste et tenter de faire comprendre l’irréversibilité du processus d’indépendance.

Si l’on avait à l’époque su entendre leur voix, et celles de bien d’autres engagés comme eux, et la répercuter, combien de vies et de drames auraient pu être évités dans cette Algérie qui paye sans doute encore aujourd’hui le prix de cet immense gâchis d’une guerre injuste, trop longue et trop sanglante…

Le troisième ouvrage que j’ai retenu était consacré au camp de Lodi qui avoisine le site tristement connu aujourd’hui du monastère de Tibérine, un retour sans complaisance sur ces « oubliés » ces centaines de Pieds Noirs, sympathisants de l‘indépendance qui ont été arrêtés et détenus dans ce camp de façon arbitraire. Et en entendant Nathalie Funes évoquer ses recherches sur « la véritable histoire du camp de Lodi » un clignotant s’est allumé dans mon catalogue de souvenirs enfouis. L’aurais je vue sans le savoir cette prison, lors d’un voyage vers le sud, en prenant un jour une route de traverse près de Médéa. Ce n’étaient, à la fin des années 70 que des alignements de bâtiments « de garnison » vides qui intriguaient, semblants de vestiges d’une guerre occultée ou lieux bannis, mais pourquoi ? Nous avons questionné à l’époque, errant alentour avec mon mari sans avoir eu d’explication sur ce lieu étrange au milieu de nulle part et abandonné des hommes …

Mais cette chape de plomb que nous soulevons enfin en France pour qu’on n’oublie pas cette page de notre histoire ne concerne pas que nos compatriotes. C’est l’heure maintenant aussi pour les citoyens de cette nation algérienne, dans leur pays trop longtemps confisqué et enfin libéré des chaines de la colonisation, de faire ce bout de chemin aussi au sein de leurs familles, de leurs cités et au cœur même des institutions de l’Etat algérien… Si leurs ainés n’ont pas su, pas pu ou pas voulu remuer ces années de braise, il est grand temps que la génération montante chasse les vieux démons de la haine  ou de peines ressassées et pose les mots pour panser des plaies qui ne se refermeront pas d’elles mêmes. C’est essentiel aussi, quelles que soient les dissensions qui ont suivi, de réhabiliter enfin tous ces témoins et acteurs de tous bords d’une période d’histoire compliquée qui ont agi pour la liberté de leur pays. Il est à un moment nécessaire de transcender ou dépasser des haines fratricides ou des rivalités qui n’ont fait qu’envenimer des tensions et ont aussi, vu de ma fenêtre de lecture, radicalisé faussement des parcours de vie qui empêchent aujourd’hui la société algérienne d’avancer dans la lumière d’une démocratie apaisée.

En tout cas, ce dimanche, c’était un bel hommage à tous ceux, Algériens d’abord mais aussi français d’Algérie ou de France, qui en partageant la noble cause de l’indépendance de l’Algérie, ont été acteurs ou passeurs de l’Histoire en train de se faire. Ils ont, là où ils étaient, par des actes posés, permis des prises de conscience et apporté une belle pierre à l’édifice de notre Humanité.

C’est aujourd’hui un hommage mérité qui leur est rendu au travers de ces quelques témoignages décrits ou transcrits qu’il est important de pouvoir partager car c’est de cette manière qu’ils ont laissé leur empreinte dans la guerre d’indépendance de l’Algérie mais aussi au cœur de nos consciences en France.

 

Les tables de ce Salon nous offraient des livres par centaines que j’aurais souhaité presque tous lire mais le reste de ma vie n’y suffirait pas … Alors il m’a bien fallu choisir ! … Fouiner aussi dans les présentations de ces petites maisons d’édition au long parcours militant qui nous permettent de découvrir des auteurs qui n’auraient pas écrit leur nom sans eux à ce salon.

Et puis au détour d’une table, j’ai découvert, oh surprise, comme autant de petites madeleines de Proust, la plupart des auteurs algériens francophones, même les plus durs par rapport à la colonisation, dont je garde précieusement les éditions de la SNED, seules lectures accessibles en français quand je vivais en Algérie …  Et introuvables en France à l’époque !!!

Ils sont maintenant édités en livres de poche!!! Quel parcours ! Mais il en aura fallu du temps pour que cet univers qui fait partie de notre patrimoine culturel francophone de par le monde traverse la méditerranée.

Les enfants n’étaient pas oubliés … Aussi j’ai fait l’acquisition de jolis livres de contes dont un bilingue, d’un livre sur la colonisation et d’un livre sur l’immigration expliquée aux enfants.

 

Jacques Chevallier, l’homme qui voulait empêcher la guerre d’Algérie, José-Alain Fralon, éditions Fayard, mai 2012, 20 euros

Le Camp de Lodi. Algérie, 1954-1962 par Nathalie Funès, Stock, 208 p., 19 euros.

Et surtout Mémoires d’un chrétien libéral d’Algérie, 1930-1960 « Autobiographie de Pierre Thiery » de notre ami Simon Pierre Thiéry édité aux éditions Bouchène, 10 euros.

 

                               Et pour mes petits enfants :

 

Vivons Ensemble de Mustapha Harzoune et Samia Messaoudi avec des illustrations d’Hervé Finel aux Editions Albin Michel Jeunesse, 19,90 euros

 

Les contes de l’olivier, contes juifs et arabes choisis et adaptés par Catherine Gendrin et Judith Guefier aux éditions Rue du Monde, 18,80 euros

 

Petite histoire des colonies françaises de Grégory Jarry et Otto T aux éditions FLBLB, 13 euros

Aggie change de vie de Malika Ferdjoukh, neuf de l’école des loisirs, 8,50 euros

 

Contes du Maghreb dans la collections bibliobus de chez Hachette éditions, 6,90 euros et son livret d’exercices (CE2) …

 

Et en version bilingue pour les petits, petits ! « Salem et le sorcier », maison d’édition en arabe … Petit livre avec de superbes illustrations 0,99 euros