Aurevoir Georges Wilson, votre jeu dans Artur UI restera gravé dans ma mémoire,
Je me souviens de cette pièce de Brecht sur la scène du TNP… Probablement celle qui m’a le plus marquée …
Mais pas besoin de reprendre la collection du répertoire pour sourire encore aujourd’hui de son jeu décapant de vivacité dans le “Médecin malgré lui”.
Et puis, me revient en mémoire l’illusion comique, c’était plus tard, puis le Diable et le Bon Dieu en 68, Poussière pourpre, trois pièces qui se bousculent un peu dans le désordre de mes souvenirs.
En 1957, bien plus tôt, il était Diaforus dans Le malade imaginaire. C’est le livret le plus usé de ma collection.
Puis plus tard, je travaillais déjà, j’ai retrouvé Georges Wilson dans les enfants du Soleil de Gorki et en 68, dans le rôle de Gorbach pour cette pièce tragique “Chêne et lapins angora”qui m’a laissé un drôle de souvenir mi cynique, mi amère.Un peu dur.
A l’époque de la guerre d’Algérie, toute notre classe de lycée débarquait d’Orsay … au premier rang du TNP … privilège, oh combien appréciable dans cette grande salle … grâce à un neveu d’acteur de la troupe dans notre classe !.
A cette époque je rêvais d’être actrice … de théatre, bien sûr !!! Mais les rôles comiques me faisaient peur… C’est vrai qu’on avait des cours de diction de mon temps au lycée… et oui, et c’est la seule matière où j’ai monopolisé la place de première !!! avec le cathé !!! ça s’assume comme le reste et je vous interdit de rigoler !
C’est drôle, car en feuilletant mes livrets “collection TNP” je le trouve jeune Georges Wilson sur les photos de l’époque … alors qu’à ce moment là, il me semblait déjà très grand et accompli … un peu faisant partie de “l’histoire du théatre” ( pour dire les choses élégamment !).
Et pourtant ce n’était qu’un début quand on regarde aujourd’hui cette grande carrière conclue il y a si peu à 88 ans.
“Au pays du Bon Dieu quand Dieu se tait (disait Nasty dans le Diable et le Bon Dieu) on peut lui faire dire ce qu’on veut” alors, Georges Wilson, faites le rêver et rire un peu pour éviter qu’il radote des prières et ennuie tous ses saints et souffle des anneries au Pape,
Et parlez lui de la triste réalité humaine, car je crois qu’il a besoin de gens comme vous,
Causez lui de ce que vous avez vu sur terre, de la souffrance et de la misère exploitée, des luttes entre Etats, de ces religieux de toutes religions qui déraillent, des humbles qui sont bien aussi et des vrais grands de cemonde, en lui demandant de rappeler à ses ouailles que “Nul ne doit chanter victoire hors de saison … car le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde”.
Et à nous tous, les vivants encore là sur terre, redites nous une fois encore, pour qu’on vous applaudisse pour une dernière grande ovation et qu’on n’oublie pas votre voix : “mon pauvre petit quattrocento, tu seras mon arche, au mileu des flots déchainés … Ramène- moi au pays qui m’a vu naître, ramène moi dans ma chère vieille Angleterre, où est revenu le printemps …”
Avant que l’eau monte et que l’on rabatte le couvercle… C’étaient les derniers mots de “Poussière pourpre” de Sean O’Casey.
Merci pour tous ces Mots choisis avec soin, ces clameurs, ces tempêtes, ces soupirs et ces rires engrangés autant que partagés, cette longue carrière peuplée de verbes et de messages habillés de gestes et de présence, merci encore, Monsieur Wilson.
Je vous souhaite à tous une bonne nuit.