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Le chômage des jeunes et un peu plus vieux …Plus précaires et moins respectés parfois qu’au début du 20ème siècle

 Où est passé le “progrès social” et à quoi ont servi toutes les grèves du 20ème siècle et toutes les luttes ouvrières contre le travail précaire ?

On en parle. Sujet à la mode ? Non réalité brulante. Objet de débats à l’assemblée, de prises de positions syndicales …

Dans les années 60 quand j’ai commencé à travailler et à animer un groupe JOC avec des employées de maison, une coiffeuse et une fleuriste et trois nanties comme ma soeur et une autre copine avec moi travaillant dans des bureaux, c’étaient les livres et films sur la condition ouvrière qui faisaient un tabac dans les milieux intellectuello, bobo débutants, Rappelez vous, “Elise ou la vraie vie” …

Aujourd’hui, on fait encore des manifs, mais ce sont des manifs de désespérés, on ne compte plus les boites qui ferment et qui nous font oublier celles qui sont “mortes depuis longtemps. On écrit aussi beaucoup sur les “précaires” et le “chomage des jeunes”.

Ces jeunes qui prennent de l’âge, un an chaque année, comme tout le monde, mais avec toujours pas de boulot, et qui n’en finissent pas de plonger, et de perdre des droits en même temps que jeunesse et illusions, avec une pile de devoirs qu’on leur prescrit, nous les nantis, qui va en s’accroissant au fur et à mesure que la crise s’amplifie.

Sur le sujet, il sort des films, comme ” 8 fois debout”, que j’ai vu hier soir au Forum des Halles.

Mais c’est plutôt “7 fois à terre” que nous montre le réalisateur avec Julie Gayet et Denis Podalydès son voisin de pallier qui lui ressemble, Une comédie dramatique
Julie est dans le rôle principal une jeune femme, Elsa, séparée, avec un fils qu’elle ne peut “récupérer”. Elle ne sait plus quoi inventer pour se faire embaucher, survivant au jour le jour au gré de vagues petits boulots au noir … Et bien entendu finit par perdre son logement.

Mais elle garde un certain cap et même une éthique, à défaut de garder ses petits “jobs”, car elle se refuse à franchir la ligne jaune de la médiocrité et de lâcheté ordinaire, qui peut tuer dans le monde obscur des petits boulots en marge de toutes les lois.

Pour elle, on n’a pas le droit de jouer avec la vie des autres, que ce soit celle d’une copine de travail, même étrangère et sans papiers, ou de son fils, et les actes qu’elle pose alors sont autant de lueurs en forme de signaux ultimes qui l’empêchent de sombrer et lui permettent de garder sa dignité.

Elle s’accroche, pour ne pas atteindre des points de non retour, à cause de son fiston surtout.

 Mais le découragement et l’enfermement d’un monde sans perspectives la conduisent parfois aux limites de la raison, avec aussi des situations des plus cocasses (à regarder plus qu’à vivre !) qui la font se redresser et quand même avancer dans un monde emprunt d’inhumanité et complètement décalé avec son quotidien de galère.

Et puis, il y a aussi les autres, les gens que l’on dit “dans la norme” mais qui pour certains l’obligent à se positionner et d’autres l’aident à garder un cap,  et ceux moins dans la norme, qui lui ressemblent un peu et font souffler un vent de tendresse pudique et naïve plus vraie que nature, celui des gens pas méchants, un peu paumés à force d’avoir été fragilisés par une vie hors marges .

Aussi plusieurs fois, certaines scènes ont déclenché des rires dans la salle. C’était des rires francs sans hystérie, qui venaient droit du coeur et raisonnaient d’empathie et de compassion aussi, mais c’était quand même des rires bien convenables de gens vivant ”Bien”dans un monde de l’autre et bon côté du miroir. Et ce sentiment s’est confirmé en les écoutant parler du film en sortant. Des têtes plutôt sympas, c’est vrai que ce genre de thèmes n’attire pas les boaf, les fachos ou les bling bling.

Moi, ça m’a plutôt fichu le bourdon, en pensant à tous ces jeunes, mon fiston inclus qui malgré son diplôme d’ingénieur, galère en recherche d’un vrai ”contrat” payé au juste prix, après d’incontournables stages sous payés et qui donne des “petits cours” à 28 ans passés !. 

Sur ce même sujet, on fait des enquêtes, des “expériences”… qui mènent parfois à des bouquins comme celui de Florence Aubenas, “le quai de Ouistreham”.

Dur, dur, la vie des précaires aujourd’hui, et la boucle et bouclée avec le sujet du début  quand j’évoquais le livre devenu film, ”Elise ou la vraie vie”, c’était l’histoire d’une ouvrière dans une usine d’automobiles…

Le chômage qui perdure, avec la cascade de boites qui ferment, est en train de balayer d’un trait tous les acquis sociaux du vingtième siècle … Et même pire dans certains cas.

Et qu’on arrête de se gargariser avec la soit disant mine des emplois de service en plein boum !!! Comme ligne de mire et nouvel Eldorado d’avenir pour les jeunes sans “qualif”  d’aujourd’hui. Cela me ferait bien rire si je n’avais pas en tête les récits de mes deux grands mères aux dures conditions de vie et que l’on pouvait penser  révolues.

Pourtant je crois sincèrement, au risque de choquer certains révolutionnaires bien à l’abri, que les patrons “ paternalistes ” de ma grand mère parisienne avaient plus de respect et d’égard pour elle que certains employeurs de sociétés de service aux personnes aujourd’hui.

Ma grand’ mère maternelle était née dans le 10ème arrondissement et vivait rue Lepic, du temps où c’était une rue populaire ! Son père, fils d’un cocher parisien était peintre en voitures ( c’était un vrai beau métier). Il s’était retrouvé veuf pour la deuxième fois quand ma grand mère avait 8 ans et ne s’est pas remarié.

Aussi, ainée d’une fratrie de 4 enfants, ma grand mère ”s’était placée” ( c’est comme cela qu’on causait des emplois de service à l’époque ) tout naturellement à 11ans à Versailles chez les Mulliez, grande famille de lainiers du nord de la France. Ainsi son père aurait une “bouche de moins à nourrir”, et je crois aussi que c’était pour prendre l’air.

Ma grand mère me parlait souvent du comportement respectueux à son égard de ses patrons. Bien plus tard, c’est vrai, j’ai pu mesurer les égards et le respect que cette famille et en particulier “Madame” avaient gardé pour elle  quand elle m’ emmenait dans cette grande maison lilloise ( ou roubaisienne ?) pour faire “la dame couture” quand j’étais encore enfant. Quand ma grand mère avait fini ses travaux ou qu’il “était l’heure” j’avais le droit de quitter l’office pour aller gouter au salon avec les autres enfants.  (C’est moi qui avait le plus “bonne mine” car ma grand mère me mettait du rouge aux joues ! déplorant le manque de soleil du nord par rapport à Paris !)

Bref, ces patrons, tout paternalistes qu’ils étaient, avaient plus d’éthique que certains exploiteurs de “gens de maison” d’aujourd’hui  qu’on enveloppe du nom pompeux “d’auxiliaires de vie” mais qui sont parfois traités comme des esclaves, qu’on ne loge plus sur place, et qui mènent des vies de galère, habitent dans des conditions insalubres, “se tapent” des temps de transport infernaux  et le tout “au black”sans que quiconque se soucie de leur protection sociale … Alors que le code du travail a sacrément évolué en un siècle et que les lois sociales sont sensées être les plus protectrices d’Europe. 

Bon, je vous souhaite de bien attaquer la semaine si vous avez la chance de bosser normalement, après mes histoires  et souvenirs de Grand mère ! Et oui j’assume. Mais c’est du vrai.

Enfin, sur le sujet, j’insiste, lisez Florence Aubenas, et vous verrez, le réel dépasse parfois la fiction, et allez voir “8 fois debout”.  

Et puis, en clin d’oeil, cette semaine, pour ceux qui l’ont connue, à Mouvaux ou à  Lille, dans ce Nord où elle est partie, dans les “bagages de ses patrons au moment de la “grande guerre”, et où elle s’est mariée  et a vécu le reste de sa vie, avec un statut de “Dame” après son mariage, ayez avec moi,  un petit sourire pour ma grand mère.

Ah oui, j’oubliais, chez les Mulliez, elle avait quand même perdu … son prénom ! “Marguerite” (ah vous vous attendiez à quelque chose de coquin et ben non !) car la fille de la maison s’appelait aussi Marguerite … Elle a été prévenue dès l’embauche : “Désormais vous vous appellerez ”Marie” … et quand on lui envoyait du courrier on lui écrivait sans son nom de famille chez ses patrons, avec son prénom d’emprunt et le nom “des patrons” …

Elle a gardé toute sa vie une carte postale adressée à “Mademoiselle Marie chez Mulliez à Versailles”.

Cette carte a franchi le 20 ème siècle et  je la garde précieusement avec une autre sans fautes d’orthographe adressée à son fiancé “Albert Boudewyn”, toutes deux retrouvées dans les papiers de ma mère, ce sont les fils d’une histoire familiale, les souvenirs précieux d’un temps où les mots écrits avaient de la valeur et que… les moins de 102 ans (dont je suis !) ne peuvent pas connaitre !!!

je garde précieusement ces fils conducteurs d’une histoire de condition … bien humaine qui sont mes racines et me disent de quel bois et quels mots je suis faite.

Bonsoir et bonne semaine.

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