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La place des femmes dans la résistance populaire non armée en Palestine, un symbole, Nabi Saleh

Résister pour les femmes rencontrées lors de mes voyages en Palestine, c’est d’abord continuer à VIVRE. Et vivre c’est aussi au quotidien pour les femmes palestiniennes, ne pas se résigner, continuer à travailler, éduquer les enfants, aimer et rire aussi parfois  … Et aussi dire ce qui se passe, dénoncer les injustices, protester contre l’enfermement et les privations de liberté d’aller et venir dans son propre pays, manifester contre ce mur et les cortèges de drames qu’il génère… Une résistance populaire, portée sans armes ni violence.

Parfois il s’agit simplement « poser » des actes au quotidien, de RESTER là où elles ont toujours vécu, pour y continuer à accomplir des gestes quotidiens : S’occuper des enfants, faire le pain pour se nourrir et le partager, entretenir sa maison, cultiver son jardin, circuler, aller travailler c’est aussi parfois faire la fête comme le soir de notre venue à Nabi Saleh…

C’est surtout inlassablement, chaque jour, trouver l’énergie de continuer à vivre et espérer. Et dans de telles vies sous tension, toujours en alerte, aucun geste accompli n’est banal, simple, facile, anodin.

Car tout ce qui est pour nous évident peut poser problème pour les femmes en Palestine et à tous les âges, les vies sont compliquées par la répression et les interdictions au quotidien ; ce sont des vies aux libertés confisquées ou toujours sous caution. Mais de ce fait là, dans ce pays là, il n’y a pas de place pour la résignation : Pas seulement à Nabi Saleh mais aussi à Jérusalem, à cheikh Jarrah, à Naplouse ou à Hébron, Bethléem, Beit Omar, dans la vallée du Jourdain ou dans les camps de réfugiés comme à Jenin ou Aida et à Gaza aussi.

A chaque fois c’est ce que j’ai découvert quand vous nous avez ouvert vos portes le temps d’une soirée, ou simplement lors d’une conversation ou d’un échange après nous avoir demandé qu’on vous prenne en photos pour qu’on ne vous oublie pas.

Vous nous avez fait visiter votre ville, votre quartier, ou bien votre village. Parfois vous nous avez fait signe d’entrer pour qu’on comprenne bien quelle est votre vie.

Le plus souvent vous nous avez accueillies chez vous, parfois le temps d’un repas, d’un café ou d’un simple verre de thé et même pour certaines vous nous avez offert l’hospitalité pour la nuit ; et surtout … vous nous avez parlé inlassablement de votre quotidien, avec le souci d’élever des enfants qui grandissent sans leur père prisonnier et dont on ne sait quand il reviendra, et sans savoir pourquoi il est en prison. Vous nous avez dit en anglais en arabe, en français et surtout dans la langue du cœur tous les tracas, les brimades d’une vie sous occupation.

Alors, Il y a tous ces visages sans noms dont je n’ai pas volé les images mais que je n’oublierai pas :  

Certains furtifs comme celui de cette femme côtoyée dans l’ombre d’un cherokee collectif, à la nuit tombée, insultée et chassée du véhicule par une jeune militaire israélienne au check point de Qalandia …

D’autres forts par leur présence et leur force de vie incrustés à tout jamais dans ma mémoire, amies de Naplouse, Jénine, Hébron et surtout vous, les femmes de Nabi Saleh.

Dans ce village aux ocres méditerranéens, perché en haut de sa colline, et qui bat le triste record du nombre de militants emprisonnés par l’occupant…

 

Pour vous, ce ne sont ni les murs ni les barrages qui vous arrêtent ou vous font reculer ou renoncer à vous battre contre le vol de l’eau, les intrusions sur vos terres ou dans vos maisons.

Vous résistez, car c’est bien de résistance qu’il s’agit, « à coups de manifestations sans armes chaque vendredi» contre ces soldats qui vous « bombardent » en retour de gaz lacrymogènes ou de bombes puantes, mais aussi parfois de balles ou de gestes qui tuent. Ces bombes de caoutchouc sont récupérées par vos enfants qui en font des guirlandes qui viennent, en décorations ironiques  « orner largement les murs de clôture de vos maisons comme autant de pieds de nez mais aussi de preuves de ces violences subies et accumulées …

Cette résistance, elle est quotidienne et pas seulement « faite » de protestations à haute voix le vendredi.

Mais par ces actes c’est surtout votre quotidien dévasté par tant de violences subies que vous dénoncez, cet Apartheid et votre enfermement que vous refusez en continuant simplement à vivre chez vous, en n’abandonnant pas vos maisons et vos terres malgré les violences ou l’emprisonnement de vos époux ou de vos enfants, en faisant face aux colons qui vous narguent en vous volant l’eau des cultures et de la vie courante pendant qu’ils font arrêter vos époux. Car c’est aussi cela votre vie au quotidien.

Et chaque vendredi, vous êtes là, dès 14heures sur la place principale du village en haut de la colline. Toutes trois, vous prenez la tête de la manifestation avec pour seules armes vos voix et vos présences, tenant d’une main le drapeau de la Palestine, votre pays, et de l’autre celle d’un de vos enfants.

Et inlassablement vous descendez jusqu’au barrage de soldats et de véhicules blindés qui coupent la route du village, le transformant en voie sans issue, pour dénoncer ce vol de l’unique source d’eau détournée et dénoncez les injustices qui sont les vôtres aux oreilles des soldats et des colons qui vous font face.

Car vous nous l’avez dit et répété, vous ne céderez pas, même en l’absence de vos maris emprisonnés et toujours sans jugement pour avoir protesté avant vous contre ces vols.

Vous avez pour nom Nariman Tamimi (épouse de Bassem, militant longtemps emprisonné et aujourd’hui libéré sous caution), Bouchra et Manal Tamimi,

Toutes les trois vous êtes un des plus beaux symboles de ce mouvement de résistance populaire qui se développe partout en Palestine sur ces lignes de front qui ne disent pas leur nom, tout au long de ces murs de la honte de béton ou barbelés, érigés partout par Israël pour morceler votre pays et le transformer en un puzzle inextricable et vous pousser au renoncement.

Mais vous résistez vous, les femmes de Nabi Saleh.

Vous refusez ce vol de l’eau et de la moitié de votre village et de vos terres confisquées.

Vous refusez la prison sans jugement infligée à vos proches en toute illégalité et en violation des droits humains.

Et malgré les morts injustes et les emprisonnements arbitraires, tant que la source ne coulera pas de nouveau du bon côté de la colline pour fertiliser vos champs … Tant que vos terres ne vous seront pas rendues, tant que vous ne dormirez pas en paix auprès de vos époux de retour et sans incursions de soldats israéliens la nuit dans vos maisons pour fouiller ou arrêter l’un d’entre vous et même vos enfants, vous reviendrez.

Inlassablement chaque semaine, telles des figures de proue à l’avant d’un navire, vous l’avez décidé, vous prendrez la tête de la manifestation qui descend de la place du village,

 

Et face aux soldats et aux colons qui vous barrent le passage vous rappellerez au monde entier que ce mur de soldats casqués et armés n’est qu’un mur d’injustice et de honte qui un jour tombera, pour que vous puissiez comme avant, vivre enfin en famille et en paix chez vous en Palestine.

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